On la connaît tous. Cette mélodie douce, planante, presque céleste. Imagine. L’hymne universel à la paix signé John Lennon, l’un des esprits les plus brillants – et les plus explosifs – du rock. Sortie en 1971, cette chanson est devenue bien plus qu’un simple tube : c’est une déclaration d’espoir, un cri de révolte murmuré au piano. Et pourtant… beaucoup se sont trompés sur son vrai message.
Avec le temps, Imagine s’est transformée en un chant planétaire, repris à tout bout de champ dans des moments de douleur ou de commémoration. On l’entend partout : dans les cérémonies, les hommages, les tragédies. Une chanson qu’on brandit comme un drapeau blanc, sans toujours comprendre le feu révolutionnaire qui brûle dessous.
Dès 1980, après la mort tragique de Lennon, Queen a ouvert la voie en jouant Imagine à la Wembley Arena, la veille de Noël, devant un public en larmes. Puis Stevie Wonder l’a reprise en 1996 à la clôture des Jeux olympiques d’Atlanta, pour rendre hommage aux victimes d’un attentat. Neil Young l’a chantée après le 11 septembre, Madonna l’a dédiée aux victimes du tsunami, et Davide Martello l’a jouée devant le Bataclan, en 2015, dans un Paris blessé mais debout. Bref, Imagine est devenue le chœur du monde quand tout s’écroule.
Mais voilà : ce n’était pas du tout le message que John Lennon voulait faire passer. Dans une interview donnée à David Sheff pour Playboy, quelques jours avant sa mort, Lennon avait lâché la vérité. L’inspiration de Imagine venait d’un livre de prières chrétiennes offert par Dick Gregory à Yoko Ono et lui. Pas de manifeste politique, pas de sermon hippie — mais une réflexion brute sur la puissance de l’esprit humain.
« Le concept de prière positive pourrait devenir réalité si seulement nous pouvions imaginer un monde en paix, sans aucune définition de la religion », disait-il.
Puis il ajoutait, cash :
« Un jour, une Église m’a demandé : “Peut-on utiliser les paroles d’Imagine mais en disant Imagine one religion ?” C’était la preuve qu’ils n’avaient rien compris. Ce changement aurait détruit tout le sens de la chanson. »
Sous ses airs de ballade naïve, Imagine est en réalité une bombe idéologique. Lennon n’a jamais caché qu’il s’était inspiré du communisme, sans jamais y adhérer complètement :
« Le passage Imaginez qu’il n’y ait plus de religions, de pays, ni de politique rappelle presque le Manifeste communiste, avouait-il. Même si je ne m’identifie à aucun mouvement. »
Ce n’était pas un discours rouge. C’était un pied de nez à l’ordre établi, une manière de dire “fuck le système” sans hurler dans un micro saturé. Lennon, le pacifiste à la Gibson, le rêveur au regard perçant, refusait les étiquettes :
« J’ai toujours été contre le statu quo. Quand tu grandis dans la haine et la peur de la police, quand on t’apprend à te méfier de l’armée, tu comprends vite que tout ça, c’est une question de classe ouvrière. »
Alors non, Imagine n’est pas juste une chanson mielleuse pour les remises de prix et les soirées caritatives. C’est un manifeste de liberté, une révolte douce mais tranchante, un appel à démolir les frontières mentales qu’on érige entre nous.
Les paroles ne prônent pas l’utopie. Elles dénoncent la bêtise, la division, la guerre, la religion comme outil de pouvoir. Lennon n’y voyait pas un monde parfait, mais un monde conscient, débarrassé de l’ego et des dogmes.
Et c’est bien ça, le génie de John Lennon : écrire une chanson qui fait pleurer les rêveurs tout en faisant réfléchir les rebelles.
Parce que, plus de cinquante ans plus tard, Imagine n’a rien perdu de son impact. Ce morceau continue de secouer les consciences, de rallumer la flamme chez ceux qui refusent de se résigner.
Imagine n’est pas un simple hymne à la paix.
C’est une balle de vérité enveloppée dans du velours.
Et elle porte la signature d’un homme qui, guitare à la main, a osé rêver tout haut ce que le monde n’osait plus dire :
Imagine. Just imagine.