L’histoire de Pearl Jam commence comme une légende du rock, façonnée par le deuil, la rage créative et un voyage devenu mythique : celui d’Eddie Vedder, de San Diego à Seattle.
Au tournant des années 1990, Stone Gossard et Jeff Ament tentent de se reconstruire après un drame qui a bouleversé la scène de Seattle. Leur premier groupe, Mother Love Bone, vient d’exploser en plein vol. Le chanteur Andrew Wood meurt d’une overdose quelques jours seulement avant la sortie de l’album Apple, en 1990. Un choc brutal. La fin d’un rêve… et le début d’un autre.
Une démo, une cassette, un destin
Avec le guitariste Mike McCready, Gossard et Ament enregistrent une démo instrumentale. Leur idée est claire : trouver un batteur. La cassette est envoyée à Jack Irons, ex-Red Hot Chili Peppers. Le musicien décline l’invitation… mais ne jette pas la démo. Il la transmet à un ami chanteur vivant à l’autre bout du pays : Eddie Vedder.
À cette époque, Vedder vit à San Diego depuis 1984. Loin du mythe grunge, il mène une vie simple, presque invisible : il travaille dans une station-service, fait des missions comme agent de sécurité à l’hôtel La Valencia, dans le quartier de La Jolla, et chante dans un groupe de funk rock nommé Bad Radio. Il a déjà roulé sa bosse dans plusieurs formations, dont Surf and Destroy et Indian Style, aux côtés de Brad Wilk (futur batteur de Rage Against the Machine).
Eddie surfe tous les jours. Il écrit, il enregistre, il cherche. Il partage une maison avec sa compagne Beth Liebling, bassiste du groupe Hovercraft, qu’il épousera plus tard à Rome en 1994. Rien ne laisse encore présager qu’il deviendra l’une des voix les plus marquantes de l’histoire du rock alternatif.
Le mini-opéra qui a tout changé
Quand Eddie Vedder écoute la démo de Stone Gossard et Jeff Ament, quelque chose se déclenche. Il part surfer, comme pour laisser infuser la musique. À son retour, il écrit ce qu’il appellera plus tard un « mini-opéra » : une trilogie bouleversante intitulée Momma-Son.
Ces trois chansons — Alive, Once et Footsteps — sont profondément personnelles. Vedder y raconte son histoire familiale : sa relation avec sa mère Karen Lee Vedder, son beau-père Peter Mueller, et surtout son père biologique, Edward Louis Severson, qu’il n’a jamais connu et qui est mort d’une grave maladie lorsqu’Eddie était enfant.
Le récit est sombre, troublant, presque cinématographique. Un garçon grandit sans père, découvre une vérité qui le détruit, devient un marginal, puis un tueur en série. Alive et Once figureront sur le premier album de Pearl Jam, Ten (1991). Footsteps, elle, restera inédite.
De San Diego à Seattle
À l’écoute des bandes, Jeff Ament et Stone Gossard sont sidérés. La force narrative, l’intensité émotionnelle, la voix habitée d’Eddie Vedder frappent juste. Une semaine plus tard, la décision est prise : Eddie Vedder est choisi comme chanteur du groupe.
Avec Dave Krusen à la batterie, le groupe donne son premier concert le 12 décembre 1990 à l’Off Ramp Café de Seattle, sous le nom de Mookie Blaylock. Peu après, ils signent avec Epic Records et changent définitivement de nom pour devenir Pearl Jam.
Le reste appartient à l’histoire.
La naissance d’une voix
Eddie Vedder ne s’est jamais vu comme une rock star. Pour lui, l’essentiel est ailleurs. « Ma seule satisfaction est d’être devenu auteur-compositeur », dira-t-il plus tard. Une phrase simple, à l’image de ce moment fondateur où un inconnu de San Diego, armé d’une planche de surf et de trois chansons déchirantes, a changé à jamais le visage du rock.
Le jour où Eddie Vedder a auditionné pour Pearl Jam, ce n’est pas seulement un groupe qui est né. C’est une voix, une conscience, et une légende qui venait de prendre la route.
































