En 1985, à l’apogée du succès de Queen, Freddie Mercury décide de s’échapper. Pas de scène géante ni de guitare criarde : juste lui, ses envies, et une montagne de synthés. Le résultat s’appelle Mr. Bad Guy, un disque audacieux, personnel, et bien trop souvent relégué aux oubliettes de l’histoire du rock. Un album solo, oui — mais pas seulement. Un cri de liberté, un coup de tête artistique, un miroir tendu à l’homme derrière le mythe.
Un virage electro-pop déroutant
Oubliez les guitares de Brian May et les structures rock-épiques. Mr. Bad Guy plonge tête la première dans les sons synthétiques des années 80 : boîtes à rythmes, nappes de claviers, groove disco et refrains sucrés. Mercury y explore une facette plus légère, plus dansante, mais toujours théâtrale. Certains fans ont crié à la trahison, d’autres ont compris : Freddie voulait juste s’amuser. Ou peut-être respirer.
Car au fond, cet album, c’est un terrain de jeu. Mercury y fait ce qu’il veut, sans compromis. Il le compose, le produit, le sculpte à sa manière. Et ça s’entend. Mr. Bad Guy n’est pas un disque de rock, c’est un disque de Freddie.
Un accueil tiède pour un artiste brûlant
Sorti le 29 avril 1985, Mr. Bad Guy se hisse tout de même à la 6e place des charts britanniques. Mais les critiques sont frileuses, et le public, surtout du côté des fans de Queen, semble perplexe. Trop pop ? Trop gay ? Trop exubérant ? Peut-être. L’album ne trouve pas son public… du moins pas tout de suite.
Aux États-Unis, il passe quasi inaperçu. En Europe, il vivote dans quelques classements. Bref, rien à voir avec les triomphes de Queen. Et pourtant, certains titres brillent déjà.
Des pépites à redécouvrir
"I Was Born to Love You" est un tube en puissance, avec une énergie explosive et une ligne de basse qui donne envie de tout plaquer pour danser. "Living on My Own", avec son humour acide et son rythme endiablé, deviendra un hit… huit ans plus tard, en 1993, grâce à un remix posthume qui grimpe direct en tête des charts européens.
On y trouve aussi "Made in Heaven" (repris par Queen en 1995), "Your Kind of Lover" ou encore "Mr. Bad Guy", ballades électro-kitsch pleines de mélancolie et de panache.
Une reconnaissance tardive
Il a fallu du temps pour que le public réévalue Mr. Bad Guy. Après la mort de Freddie Mercury en 1991, l’album prend un autre sens : celui d’un homme qui, déjà, semblait dire adieu. En 2019, une version remasterisée sort, avec un son plus épuré, plus proche de l’univers Queen. Et l’album commence doucement à trouver sa place. Pas comme un chef-d’œuvre oublié, mais comme un fragment précieux d’un artiste insaisissable.
Un ovni sincère
Mr. Bad Guy n’est pas un album parfait. Il est parfois kitsch, souvent déséquilibré, mais il a une qualité rare : l’honnêteté. C’est Freddie Mercury, sans filtre, sans groupe, sans garde-fou. Et ça, dans un monde aussi formaté que celui des années 80, c’était déjà un acte punk.
Alors, oublié ? Mal-aimé ? Peut-être. Mais Mr. Bad Guy, c’est Freddie qui dit : "Je suis plus qu’un frontman. Je suis un homme libre." Et ça, ça mérite d’être réécouté.