Robert Smith, figure mythique du rock alternatif et icône gothique des années 80, n’a jamais caché son rapport viscéral à la musique. Lorsqu’il fonde son tout premier groupe à seulement 14 ans — The Crawley Goat Band, aux côtés de son frère Richard, de sa petite sœur Janet et de quelques amis — il considère déjà la musique comme une expression authentique de lui-même.
« On disait aux enfants anglais des années 70 de ne jamais montrer leurs émotions, mais je ne pouvais pas m'en empêcher. C'est aussi dans ma nature de m'opposer à ce qu'on me dit de faire. »
Ce premier groupe passera par plusieurs métamorphoses — Malice, puis Easy Cure, avant de devenir The Cure — mais l’attitude de Robert Smith, elle, ne changera jamais. En 1979, il enchante l’Angleterre avec l’un des singles les plus délicats et personnels de l’histoire de la pop, un hymne à la sensibilité masculine intitulé Boys Don’t Cry. Sur une mélodie cristalline, il raconte avec une ironie poignante les larmes versées après une rupture, martelant dans le refrain la phrase qu’on lui a toujours répétée : « Boys don’t cry. »
« Je n’ai jamais eu honte de me montrer et d’exprimer mes sentiments. Je ne pense pas que je pourrais faire de la musique sans exprimer mes émotions. Il faut être un chanteur vraiment, vraiment ennuyeux si tu penses pouvoir faire ça. »
Boys Don’t Cry, deuxième single du groupe après Killing An Arab, est devenu un classique incontournable, adoré des fans. Robert Smith y reste profondément attaché :
« Cela me rappelle quand j’étais très jeune. »
Plus qu’un succès, c’est une déclaration d’intention, un manifeste pour toute une génération qui cherche à assumer sa vulnérabilité. Dans l’Angleterre post-punk, la chanson pose les bases d’une esthétique sombre qui inspirera toute une sous-culture — bien que, pour Smith, la véritable identité sonore de The Cure se cristallise avec le deuxième album, Seventeen Seconds (1980), et notamment la chanson A Forest.
« L’archétype de la musique de The Cure. Le tournant où tout le monde, moi y compris, a commencé à nous écouter et à penser que nous pouvions accomplir quelque chose. »
Parmi les morceaux que Robert Smith préfère dans sa propre discographie, on retrouve également :
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Just Like Heaven, extrait de Kiss Me Kiss Me Kiss Me (1987), qu’il décrit comme :
« La chanson pop parfaite de Cure : tous les sons se sont réunis, nous avons fait une prise et c’était parfait. »
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Faith, titre phare et conclusion de l’album Faith (1981), qui tient une place à part dans son cœur :
« Je ne pense pas que j’écrirai un jour une chanson qui capture un moment, qui émeut quelque chose en moi et qui change ma vie comme Faith. »
Enfin, Smith n’oublie pas la période plus expérimentale et psychédélique du groupe dans les années 1990. Il ajoute à sa liste personnelle la puissante End, dernier titre de l’album Wish (1992) :
« Une chanson qui réalise exactement tout ce que j’ai toujours voulu faire. »
À travers cette sélection, Robert Smith nous offre une plongée intime dans son parcours d’artiste, entre révolte adolescente, émotions brutes et recherches sonores profondes. Un autoportrait en cinq morceaux, aussi troublant que magnifique — à l’image de The Cure.