1967 marque un tournant majeur dans l’histoire du rock : c’est l’année où les groupes britanniques prennent d’assaut les États-Unis, avec en tête les Beatles et les Rolling Stones. Mais dans l’ombre de ces géants, un autre groupe anglais s’apprête à bouleverser la scène américaine : The Who. Emmené par leur fougueux leader, Pete Townshend, le groupe choisit le Monterey Pop Festival pour ses débuts fracassants sur la côte ouest.
Pour Townshend, ce festival est une opportunité en or. Il veut se distinguer des groupes psychédéliques qui dominent alors la scène américaine. Il en est convaincu : The Who va faire sensation avec une performance aussi bruyante que chaotique. Mais un obstacle se dresse sur sa route : Jimi Hendrix.
Guitariste d’exception, Hendrix, bien qu’américain, s’est déjà imposé à Londres et cherche lui aussi à marquer les esprits au Monterey Pop Festival. Lui et Townshend sont programmés le même soir, et très vite, une tension monte entre les deux légendes. Chacun veut passer en dernier, persuadé que l’autre pourrait lui voler la vedette.
Dans une interview accordée à VH1 en 1987, Townshend revient sur cette altercation mémorable :
« Je me suis dit, en tant qu’ami, que nous pourrions discuter pour savoir qui jouerait en premier. Le problème était que nous présenterions tous les deux quelque chose d’unique au public californien pour la première fois. »
Avec le recul, Townshend admet que plusieurs versions de cette histoire circulent. Il raconte qu’à un moment donné, Hendrix aurait joué un riff en sa direction, comme pour lui dire :
« Ne me fais pas chier, petit imbécile. »
Mais la situation finit par se résoudre de manière simple et démocratique : par un tirage au sort. Et c’est The Who qui l’emporte. Sur scène, Townshend ne déçoit pas. Le groupe livre un show explosif, conclu par une déclaration provocatrice du guitariste :
« C’est ici que tout s’arrête. »
Mais ce que Townshend n’avait pas prévu, c’est que Hendrix allait littéralement mettre le feu — à la scène et à sa guitare. En plus de jouer plus fort, plus sauvagement et avec une virtuosité hors du commun, Hendrix signe ce soir-là l’une des plus grandes performances rock de l’histoire.
Les deux artistes voulaient marquer les esprits. Townshend a frappé fort. Hendrix, lui, a tout brûlé — au sens propre comme au figuré.